Mamadou Diouf : « Les Africains doivent se battre pour leurs intérêts »
Professeur à Columbia, Mamadou Diouf est l’un des 104 signataires d’une pétition dénonçant une forme de restriction des libertés publiques et d’instrumentalisation de la justice visant à museler l’opposition, au Sénégal.
Dans un entretien sur Jeune Afrique, le co-commissaire de l’exposition « Senghor et les arts–Réinventer l’universel », au Musée du Quai-Branly, à Paris, évoque la “lente et progressive descente aux enfers de la démocratie sénégalaise”, enclenchée selon lui “depuis le premier mandat du Président Macky Sall”. “Les premiers signes de dérive sont apparus avant la fin du premier mandat de Macky Sall, analyse-t-il. Le chef de l’État a décidé, à mi-parcours, de revenir sur son engagement de se limiter à deux mandats. Il a invoqué un supposé accord du Conseil constitutionnel qui l’autorise à briguer la présidence une troisième fois. On se retrouve dans la même situation qu’en 2012, quand le peuple s’élevait contre un troisième mandat d’Abdoulaye Wade. C’est un extraordinaire retournement de situation”.
L’intellectuel dresse un tableau sombre de la situation et évoque une situation de désordre : “Le nombre élevé-même si l’on n’a pas de chiffres officiels- de personnes arrêtées et emprisonnées pour des raisons politiques marque une réelle régression. À un an de la présidentielle, on ignore qui seront les candidats, à la fin du processus de qualification. On ne sait toujours pas si Ousmane Sonko, Khalifa Sall et Karim Wade seront exclus de la compétition. Et le président Sall n’a toujours pas déclaré sa candidature. Tout cela crée du désordre”.
Cette situation d’incertitudes lui fait craindre de nouvelles tensions : “Les Sénégalais sont au moins d’accord sur un point : tout le monde est sur le pied de guerre, en particulier les jeunes. Nous sommes à quelques mois d’un scrutin majeur, et rien n’est réglé : qui sera candidat, comment ces élections seront-elles organisées ?”.